N° 172, 4 octobre 1995
Envoyé spécial chez moi
J’ai jamais gagné un concours. Jamais ! Heu… Si, quand même, une fois, en 67… Un radio-crochet pendant le bal du 15 août dans un petit village des Cévennes. J’avais chanté « Pourquoi ces canons ? »b d’Antoine et gagné une fougasse. Mais un radio- crochet, c’est pas vraiment un concours, c’est quasiment une compétition. Un concours, c’est moins fatigant, c’est plutôt par la poste, pis faut remplir un bulletin, pis y a un tirage au sort pour départager les gagnants. Là, j’avais rien posté, rien rempli, rien tiré, et y avait pas eu à me départager avec un autre gagnant, j’étais déjà le meilleur, je plaisante bien sûr.
Alors vous m’excuserez, mais une fois dans ma vie j’aimerais bien gagner un concours ! Ça tombe bien, y a France Inter qui, sous la houlette de Jacques Vendroux, célèbre journaliste sportif (célèbre double handicap intellectuel), en organise un vach’ment bien ! Il s’agit de trouver un joli nom pour le futur Grand Stade de Saint-Denis. Un nom qui plaise à tout le monde – par définition, donc, un nom crétin -, un nom qui plaise aux sportifs, au public, aux architectes, à la commune, à la Région, au gouvernement, à ma mère et à Dieu. J’adore trouver des noms pour les stades. C’est un truc qui m’a toujours passionné. Mais on ne m’a quasiment jamais demandé mon avis. Alors là, pour une fois qu’on me sollicite, je vais pas me gratter ! Et j’espère que vous non plus… Eh ? Si on inondait France Inter de milliers de cartes postales pour proposer un nom de baptême à la con pour cette arène à blaireaux ? Essayez juste de pas gagner, j’aimerais bien que ça soit moi, comme je vous ai dit. Vous pouvez proposer « Stade Jacques-Vendroux », par exemple. Je vous le laisse. Je vous garantis pas que vous gagnerez, de toute façon je sais même pas ce qu’on gagne… Si c’est un abonnement pour tous les matchs je vous le refile, promis, si c’est de l’argent, je le garde, je le file à Jacques Glassman, le footballeur qui a dénoncé les magouilles de Tapie lors du match OM-Valenciennes et qui est, depuis, sur tous les stades de France et de Navarre, où il ose encore exhiber sa honteuse silhouette d’empêcheur de corrompre en rond, félicité pour son civisme et son amour du jeu pas truqué aux cris de « Glassman pédé ! ». (Une bonne partie de cet élégant anathème étant poussée par des bœufs qui votent Front national par dégoût de la corruption ou par de gentils hooligans réfractaires aux « balances » qui ont ruiné leur carrière par excès (?) d’honnêteté. La logique voudrait peut-être qu’ils fussent réfractaires aux « vendus » et à ceux qui les payent, mais peut-on exiger un brin de discernement de la part de personnes qui pensent encore que Toulouse-Lautrec c’est une finale de rugby et Karl Marx un des frères à Groucho ?)
Bon, je vous dis ce que j’ai déjà trouvé comme nom pour le stade, mais vous me piquez pas mes idées, s’il vous plaît…
J’ai pensé à « Stade Pétard », parce que le sport, comme opium du peuple, je crois pas qu’on ait trouvé mieux.
Ensuite, en deuxième choix, je vais proposer « Stade des Enculés », parce que la majorité des joueurs de football s’appellent comme ça. Enfin, on dirait, parce que au Parc des Princes, par exemple, c’est comme ça que les supporteurs appellent les joueurs visiteurs.
Mais, finalement, le plus logique c’est peut-être d’associer à ce stade les valeurs mises en avant par le sport professionnel français. C’est pourquoi je pense que le mieux c’est encore « Stade Pognon ».
P.-S. La semaine dernière, une erreur de composition a amputé la dernière phrase de mon P.-S. Je le recommence, donc… Mea culpa, Roy Lewis n’a pas écrit qu’un seul et unique roman mais deux. De nombreux lecteurs m’ont gentiment signalé cette méprise. Je m’étais bêtement fié à cette affirmation contenue dans la préface de Pourquoi j’ai mangé mon père. Il a aussi écrit La Véritable Histoire du dernier roi socialiste. Je signale à mon tour à mes amis lecteurs visiblement ravis de m’avoir pris en faute l’existence d’un troisième roman du même Roy Lewis : Mr. Gladstone et la demi-mondaine. Et toc !
Sources : Chroniques de Renaud parues dans Charlie Hebdo (et celles qu’on a oubliées) et le HML des fans de Renaud