Publié le 02/06/2021 à 17h43
Dans la famille de Renaud, je voudrais son jumeau, David. Très rare dans les médias, il brise le silence aux côtés de sa sœur dans un documentaire intime sur TMC, le 2 juin, Renaud, mon frère, le chanteur préféré des Français. Confidences en avant-première.
Comment se porte votre frère ?
On dit beaucoup de bêtises sur sa santé. Il se porte mieux qu’il n’a été, étant chez lui à L’Isle sur la Sorgue, attendant le beau temps comme nous tous. Tout va pour le mieux, il rebondit. Renaud est un artiste atypique comme tous les artistes, ayant une vie hiératique avec des hauts et des bas.
Pour ses proches comme vous, comment le voyez-vous ?
J’ai toujours eu du mal à le voir comme une star. Avec moi, il se comporte avec un naturel à toute épreuve. Je le vois comme un frère qui fait une carrière artistique dont j’aide à la promotion de son oeuvre. Je ne suis pas toujours d’accord avec lui. Quand on est ensemble, on évite d’aborder des sujets autour du métier, on parle de la famille, de la vie qui passe…
Cette « vie qui passe », l’angoisse-t-il ?
Oh oui ! Renaud est ancré dans la nostalgie de l’enfance, de l’adolescence. Il a eu du mal à quitter cet univers fondamental et douloureux parfois. Mon frère reste marqué par les disparitions de ses proches, de ses amis… La mort l’effraie, cela a débuté avec celle de Pierre Desproges, puis Coluche… et puis tous les anonymes. Mais Renaud, d’éducation protestante, reste très pudique, exprimant peu ses douleurs. Il faut percer sa carapace.
Vous apparaissez rarement dans les médias. Pourquoi le faites-vous maintenant ?
Au stade actuel de la carrière de mon frère, j’ai envie de lui dire toutes ces choses que je vous dis, qu’il ignore peut-être. Et j’ai envie que les gens portent un regard intime sur lui, qu’on le célèbre autrement qu’à travers ses addictions, ses mariages, ses divorces, comme le font certaines publications people. Mon frère est d’abord un grand artiste, un grand humaniste qui s’est beaucoup engagé dans de grands combats dont celui de la libération d’Ingrid Betancourt.
« Ce n’était pas David et Renaud, on disait « les jumeaux ». Voilà ce qui a forgé notre complicité. »
C’est ce que montre le documentaire de TMC.
Elle témoigne d’une façon captivante et d’une grande sensibilité.
Ce lien de gemellité a-t-il été déterminant dans votre relation ?
Oui et non, dans le sens où nous sommes des faux jumeaux, même si nous sommes nés le même jour. On a été élevés ensemble, habillés de la même manière, fréquentant les mêmes bancs de l’école… Ce n’était pas David et Renaud, on disait « les jumeaux ». Voilà ce qui a forgé notre complicité. Comme deux frères, on s’est ensuite séparés. Physiquement, psychologiquement… nous sommes différents.
Est-il facile d’exister soi-même lorsque l’on a un frère star, l’un des chanteurs préférés des Français ?
Ce fut assez difficile. Jusqu’à l’âge de 20 ans, il n’y a pas eu de problème, Renaud n’était pas encore connu. Il jouait de la guitare autour d’un feu de camp. C’était formidable avec nos copains et copines. La célébrité a rendu les choses plus compliquées. De David Séchan, je suis devenu le frère de Renaud. Comme mon père, le père de Renaud, ma mère, la mère de Renaud, ma soeur… C’est une sorte d’entaille dans notre propre personnalité. Sans en être écrasé, une ombre pèse sur nous.
Comment avez-vous réglé cette « emprise » ?
Je me suis beaucoup protégé, ne faisant jamais état de mon statut de frère jumeau de Renaud. Certains amis l’ont appris tardivement. Ce statut est compliqué car cela fausse un peu les rapports.
Par la force des choses. Je suis photographe, ayant fait plusieurs pochettes de disques de mon frère dont Morgane de toi, Laisse béton… Et puis, je l’ai rejoint dans sa société d’édition. On s’est ensuite séparé, j’ai créé ma propre entreprise d’édition dans les médias. Je me suis « autonomisé ». J’ai coupé le cordon, cela m’a fait beaucoup de bien.
Comment se sent-il dans notre époquee ?
C’était mieux avant, comme dit Sardou. Quand on a passé un certain âge, on regarde cette époque avec un peu d’effroi : les restrictions de liberté et surtout un politiquement correctement qui est dévastateur.
Cette pandémie l’a-t-elle effrayé ?
Non, il s’en fout, ne voulant pas se faire vacciner. C’est peut être sa façon à lui de se dégager de cette angoisse commune.
Cela pourrait lui inspirer une chanson ?
Il en a fait une qui n’est pas sa meilleure, elle s’appelle Corona song. Sa vidéo a connu un certain succès et pas mal de critiques. C’est ce qu’appellent les anglo-saxons la Cancel culture.
Rêvez-vous de le revoir sur scène ?
Bien sûr, je n’aurais pas parié un kopeck sur son retour en 2007, alors qu’il était au fond du fond du trou. Renaud est imprévisible, à partir du moment où il va mieux. Tout est encore possible !
Comment ressent-il le fait d’être toujours dans le coeur des Français, de 7 à 77 ans ?
Cela le touche beaucoup, même s’il ne le montre pas. Il a toujours été proche de ses fans. Moi-même, j’en ressens beaucoup de fierté car je l’aime, j’aime son oeuvre.
Renaud, mon frère, le chanteur préféré des Français. Mercredi 2 juin sur TMC, à 21h15. Putain d’expo, à la Philharmonie de Paris. Un panorama de documents pour mieux connaître Renaud. Jusqu’au 7 novembre 2021. 221 avenue Jean-Jaurès, 75019 Paris. Tél.01.44.84.44.84. |
Olivier Bohin
Source : La Montagne