Un été avec Renaud (2): Alain Lanty, l’ami et réalisateur de « La bande… »

Sud Ouest

C’est déjà ça
Le blog chanson de Yannick Delneste et Philippe Ménard

30/07/2014

Son toucher de clavier est prisé des plus grandes stars de la chanson, d’Obispo à Johnny: Alain Lanty a accompagné deux générations au moins d’artistes hexagonaux. Compagnon de route du chanteur depuis la tournée « Une guitare, un piano et Renaud », il est l’un des artisans de « La bande à Renaud », hommage-carton de l’été. Il explique comment est né le disque, pourquoi ce sont ceux-là qui ont chanté, et comment va son pote.

Photo DR

Comment est né le projet de « La bande à Renaud »?

Une amie productrice m’a appelée pour me raconter l’anecdote: sa fille de 13 ans écoutait une chanson de Renaud et elle me disait avoir honteusement oublié comme c’était beau. Honte sur moi aussi: je ne me souviens plus de la chanson en question. Et cette amie de se demander pourquoi elle avait oublié tout ça, et pourquoi elle résonnait encore dans la tête d’une fille de 13 ans.

Elle m’a soumis l’idée, sachant que je connais un peu le gars, de proposer à Renaud de travailler sur un album où la nouvelle génération reprendrait ses titres. J’ai appelé et il m’a dit de sa voix caverneuse: « Ouais, c’est une bonne idée ». Je crois qu’il était vraiment touché.

A-t-il eu des exigences particulières?

Il m’a juste donné deux incontournables: Elodie Frégé pour « Il pleut » et Nolwenn Leroy pour « La ballade nord-irlandaise ». Sinon, j’avais carte blanche. Je ne voulais absolument pas faire un album analogue à « génération Goldman » et j’ai cherché dans la génération de chanteurs reconnus les plus légitimes et cohérents pour chanter Renaud. Je ne voulais pas d’une trop jeune génération qui n’aurait pas été cohérente. Pour moi, des gens comme Bénabar, Grand corps malade et Raphaël sont clairement des héritiers de Renaud.

L’objectif était-il aussi de lui redonner l’envie?

Assurément. Nous sommes tous désolés de ne pas l’entendre chanter, revenir avec un disque et profiter de sa plume.

En 1999, vous étiez déjà des deux compères qui l’avaient ramené à la scène…

A cette époque, c’est plutôt lui qui m’a appelé en me disant « Je m’emmerde ». Il n’allais pas bien, son dernier album était sorti quatre ans plus tôt (1) et il était sur une mauvaise pente. Jean-Pierre Buccolo son guitariste et ami, a lancé l’idée « Une guitare, un piano et Renaud ». On devait faire quelques concerts, on en a fait deux cents pendant deux ans. Que des souvenirs incroyables. C’est pendant cette tournée que les chansons de « Boucan d’enfer » sont nées.

Comment s’est déroulé le travail sur cet album-hommage?

Renaud a suivi presque au jour le jour le processus. Le taiseux s’est investi et téléphonait souvent!  Pour les artistes qui l’ont repris, le casting s’est fait aussi en fonction des possibilités de chacun, de certains qu’il a fallu convaincre aussi: ils avaient peur qu’on interprète mal cette démarche.

J’ai réalisé l’album en janvier dernier avec Dominique Blanc-Francard qui lui aussi, est un génie dans son genre. On voulait de la sobriété, que chaque artiste apporte son univers mais qu’on y retrouve aussi Renaud. Que chacun fasse un pas vers l’autre. La rapidité avec laquelle les artistes ont trouvé le ton juste m’a impressionné: Il a fallu deux prises à Raphaël, une seule à Biolay. Disiz est venu au studio avec ses samples sous le bras.

Pensez-vous que l’album et la démarche sont donc de nature à relancer Renaud?

Je ne sais pas. Cela lui a fait très plaisir en tout cas et il est content du résultat. Il est à la fois têtu comme une mûle et très fragile: ce n’est pas évident de reprendre. Cela le taraude bien sûr. On a tous envie qu’il écrive sur le monde qui nous entoure. Ce gars a de telles fulgurances d’écriture… Parfois, il me demande une musique… Ou à Buccolo qui me dit « Le Renard m’a appelé »…

Recueilli par Yannick Delneste

(1) « La belle de mai » (1995)

PS1: une ITW d’Alain Lanty sur RTBF

PS2: après que des torch… journaux ont évoqué récemment et dans la foulée du succès de la Bande à Renaud, la pseudo-déchéance de l’artiste avec un misérabilisme et une compassion nauséeux (mais Renaud leur avait peut-être trop ouvert la porte à une certaine époque), l’intéressé a répondu via Facebook: « A part un rendez-vous chez le dentiste tous les six mois, je n’ai pas de soucis de santé. A part un Ricard ou deux tous les midis, je ne suis pas « alcoolique ». Quant à ma dépression, les dizaines de potes ou d’amis que je fréquente ici vous diront à quel point je vais bien, à quel point ils m’aiment et à quel point ils me sont chers. Point final! »

PS3: « L’été avec Renaud »: une série d’articles autour du chanteur énervant et surtout discret depuis de longues années. Panne d’inspiration, dèche psychologique: le Renaud est en cale sèche, et les initiatives se multiplient pour le remettre à l’eau. Comme on a grandi et vécu avec lui (enfin avec ses chansons), on a voulu décliner le gars sous quelques angles. Et passer l’été en sa compagnie.

Prochain volet: entretien avec Baptiste Vignol, judicieux instigateur d’un album de reprises, mais sur le net, gratuit et par une scène française injustement méconnue. Auteur également des textes d’une BD consacrée à Renaud.

  

Source : Sud Ouest