Un « loubard » sympa…

Ici Paris

N° 1712, du 27 avril au 3 mai 1978

Un « loubard » sympa…

… Pour gagner sa vie Renaud chantait dans les rues !

VETU d’un blouson de cuir noir, la mèche sur les yeux, ce titi parisien aux allures de gavroche est en train de gagner ses galons de vedette. Avec sa chanson fétiche « Laisse béton », ce « loubard » est devenu sympa à tout le monde. Et pourtant, voici a peu près six mois, alors que le rythme disco avec ses boum-boum, envahissait déjà le marché, on ne donnait pas cher des poèmes de Renaud Séchan que tout le monde aujourd’hui appelle Renaud.

Jacques Martin vous l’a présenté, voici quelques semaines, dans une émission qu’il consacrait aux chanteurs réaliste. Renaud était là, comme il est dans la vie de tous les jours : une dégaine de loubard et une façon de parler, celle des jeunes gens de son âge (26 ans) qui, dans les rues de la banlieue parisienne, trompent leur ennui comme ils peuvent.

Ce révolté de la vie, qui chante des histoires de mauvais garçons, a cependant un cœur tendre et la sensibilité d’un vrai, d’un grand artiste.

Un jeune que rien, dans sa vie, ne prédestinait à devenir artiste un jour. Fils d’un professeur d’allemand qui enseignait au lycée Gabriel-Faure, Renaud, très tôt, s’est trouvé en désaccord avec le confort douillet et bourgeois qu’affectionnait sa famille.

LUI, CE QU’IL AIMAIT, C’ETAIT SE RETROUVER AVEC LES COPAINS DANS LES CAFES, FAIRE UN FLIPPER, ROULER LES MECANIQUES, DRAGUER OUR ECOUTER DE LA MUSIQUE.

L’école, il avait l’impression d’y perdre son temps. Aussi n’y allait-il que pour se faire renvoyer. 

En contradiction avec tout le monde et surtout avec lui-même, Renaud ne voulait déléguer à personne le soin de faire sa vie. Des airs d’anarchiste et de révolté peut-être, mais aussi un cœur bouillant et généreux qui n‘allait pas tarder à s’employer. A seize ans, en compagnie d’un copain, il décida pour se faire un peu d’argent, d’aller chanter, dans les cours, Piaf et Mouloudji.

Puis vint le temps des terrasses, des cafés et de la manche dans le métro. Michel Pons, son copain, avait, entre-temps, troqué la guitare pour l’accordéon.

C’EST LA, DANS LES RUES, SUR LE TAS, QUE RENAUD APPRIT SON METIER DEVANT UN PUBLIC DISTRAIT, DIFFICILE MAIS TERRIBLEMENT ATTACHANT.

De cette époque, il l’avoue, il garde une certaine nostalgie. La période des petits cabarets de la rive gauche fut peut-être moins drôle, mais elle lui permit de roder tout un répertoire de chansons inédites. Un producteur, alors, le remarqua et ce fut son premier disque.

Il fallait choisir : continuer la vie libre et errante ou bien avoir l’occasion d’offrir à Dominique, la femme de sa vie, une existence paisible qu’elle réclamait.

L’AMOUR AIDANT, RENAUD NE POUVAIT QUE CEDER, SURTOUT QUE LE SUCCES LUI TOMBAIT DESSUS ET QU’IL N’EN DEMANDAIT PAS TANT.

MAINTENANT QU’IL EST CELEBRE, RENAUD VIENT DE S’OFFRIR ENFIN LA MOTO DONT IL REVE DEPUIS LE TEMPS QU’IL CHANTAIT DANS LES RUES.
Aujourd’hui
Grâce à « Laisse béton », il est devenu célèbre

Rassurez-vous. Sa façon de s’habiller n’a pas changé, son accent et sa verve sont restés les mêmes. Pourtant, show-business oblige, Renaud a de moins en moins le temps de retrouver ses potes de la Porte d’Orléans avec lesquels il faisait de longues virées à moto.

Son naturel, sa simplicité, l’originalité de ses chansons ont tranché dans la grisaille de ce que nous offrent les radios à longueur de journée. La jeunesse se retrouve dans ce jeune homme frondeur, mais finalement pas méchant.

Son dernier album, « Laisse béton », il l’a dédié à Dominique qu’il aime plus que lui-même.

« ELLE PASSE AVANT TOUT, MON METIER, MES COPAINS ET MEME MA MOTO. »

Gavroche, aujourd’hui, est rangé des barricades puisqu’il ne veut plus qu’une chose : avoir plusieurs enfants. Renaud ne fait pas de projets à long terme, ça n’est pas dans sa nature. Il affirme même être capable de tout laisser tomber si on le taquine un peu trop. 

Renaud : un loubard sympa.

Mathieu BLANCHARD

  

Source : Ici Paris