À 70 ans et après plusieurs déclins et renaissances, le chanteur de « Mistral gagnant » est reparti sur les routes avec cordes, accordéon et piano. Il sera les 14 et 15 février à Mérignac (33)
Comment va-t-il ? La question est invariablement la première depuis plus de vingt ans. Plutôt pas mal en ce moment. N’avait-il pas renoncé aux concerts depuis deux albums ? Si, mais c’est plus fort que lui : Renaud a besoin de ce public, énorme et bienveillant, inquiet et ombrageux dès qu’on nuance ses performances. En mai 2022, pour ses 70 ans et la sortie d’un nouvel album de reprises patrimoniales, il indique que « le timbre abîmé de ma voix » ne lui permet plus de partir en tournée. Six mois plus tard, le virus de la scène et quelques éclaircies sur ses cordes vocales le démangent trop : il annonce 40 dates pour le début de l’année suivante. Et le voilà.
On se fait du souci et l’on grimace depuis sa première plongée dans les affres de la dépression, bien anisée à l’époque. Nous sommes en 1999, cinq ans déjà que le magnifique « A la belle de mai » est sorti et qu’on n’a plus de nouvelles de Renaud.
Le chanteur s’enfonce dans le blues, sa « Gonzesse » Dominique le quitte de guerre lasse et deux potes musiciens lui proposent une tournée intimiste pour le remettre en selle : le guitariste Jean-Pierre Buccolo et le pianiste Alain Lanty. Ce dernier est encore et toujours là, sur la tournée en cours. D’octobre 1999 à mars 2001, 200 représentations de « Une guitare, un piano et Renaud » requinquent le poulbot et on y entend trois nouvelles chansons dont « Boucan d’enfer ».
Retour d’enfer
Ce sera le titre de l’album de la première renaissance : deux millions d’exemplaires vendus, la chanson-carton « Manhattan-Kaboul » en duo avec Axelle Red, trois Victoires de la musique et une « Tournée d’enfer ».
La plume redevient prolixe, l’amour est de retour aussi avec Romane Serda pour qui il écrit aussi. L’album « Rouge sang », en 2006, déborde d’une vingtaine de titres et d’une tournée maousse. Depuis « Boucan d’enfer », l’inspiration ne produit plus les chefs-d’œuvre d’antan mais le succès est toujours là, même quand il adapte 13 chansons irlandaises, en 2009, pour l’album « Molly Malone ».
Voix rongée
C’est le slameur qui va redonner l’envie au mutique de renouer avec les mots. GCM le sollicite dans le cadre de « Il nous restera ça », projet collégial. Renaud écrit « Ta batterie », titre sur lequel réapparaît une voix douloureusement rocailleuse. Le phénix renaît de ses cendres. « L’envie de rien », nous dit-il pour résumer ces longues années. « La peur paranoïaque de la mort. Debout à 7 heures, aujourd’hui. J’étais couché à minuit, je me levais à midi et j’étais lessivé. Je tremblais, j’avais mal partout et je devais amener ma bouche au café plutôt que le contraire. Les ravages de l’alcool. Pastis et bière. Je n’ai pas lu un livre pendant près de huit ans. »
Les confidences datent d’avril 2016 et Renaud est de retour avec un album sans titre qui s’écoule à 730 000 exemplaires malgré ses faiblesses de voix et d’écriture, sa première autobiographie (« Comme un enfant perdu ») et un « Phénix tour » à guichets fermés. Une Victoire un an plus tard ponctue la séquence… avant une rechute, encore. Depuis quelques années, Renaud écrit des chansons pour enfants : « Les Mômes et les Enfants d’abord » sorti en novembre 2019 est difficile à écouter. En juillet 2020, première année de Covid, l’ahurissante « Corona song » que Renaud poste sur les réseaux rassure encore moins.
« Dans mes cordes »
En 2021, l’éclaircie revient. Une grande et belle exposition à la Philharmonie de Paris à l’automne réchauffe tout le monde, à commencer par la « chetron sauvage » qui annonce un nouvel album de reprises pour le printemps suivant, pour ses 70 ans. « Le Métèque », où Renaud visite Moustaki mais aussi Ferrat, Brassens, Dimey, Trenet, Higelin ou encore les chansons « L’Amitié », « Hollywood » et « La Tendresse ». Sur des arrangements magnifiques, la voix de Renaud est crépusculaire mais tient le choc pour mieux servir ces classiques.
Les échos des premières haltes d’Avignon et de Nancy sont très bons au regard des tournées précédentes. Partagés depuis vingt ans entre le plaisir de le revoir et la gêne devant une inspiration et une voix cabossées, ces retrouvailles pourraient bien être celles de l’apaisement. « La souffrance, c’est très rassurant/Ça n’arrive qu’aux vivants », chantait-il sur « Cent ans ». Trente ans de vraiment mieux, on est partant.
Mérignac (33) . Mardi 14 et mercredi 15 février, à 20 h, au Pin Galant. De 39 à 69 €. 05 56 97 82 82.
Renaud en dates
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- 11 mai 1952. Naissance à Paris
- Mai 1968. Vit dans la Sorbonne occupée au sein du comité Gavroche. Première chanson : « Crève salope ».
- 1975. « Amoureux de Paname », premier album.
- 1980. « Marche à l’ombre », 4e album et premier gros succès
- Sept 1982/Mars 1983. Six mois en bateau avec sa femme Dominique et sa fille Lolita, inspirant « Dès que le vent soufflera ».
- 1983/1986. Les albums « Morgane de toi » et « Mistral gagnant » s’écoulent à 1,5 et 1,3 millions d’exemplaires
- 29 septembre 1993. Étienne Lantier, premier rôle de « Germinal » de Claude Berri.
- 1995/1999. Première dépression.
- Mai 2002. Album « Boucan d’enfer », deux millions de ventes.
- Avril 2016. « Toujours debout » ouvre le 13e album original.
- Mai 2022. 70 ans et « Le Métèque », disque de reprises.
Source : Sud Ouest