Le , la mort brutale de son ami Coluche affecte gravement Renaud. Il fut interviewé le jour même du décès par Jean-Pierre Ferland (sur SRC) alors qu’il était en tournée de promotion au Québec :
Dans son livre simplement intitulé « Coluche », l’écrivain Philippe Boggio raconta l’anecdote suivante à propos de Renaud apprenant la nouvelle du décès de Coluche :
Tous les proches de l’artiste sont bouleversés. Dominique Séchan ne sait plus où aller pleurer. Renaud, lui, se trouve à Montréal et ne comprend pas tous les mots, avec l’accent québécois. Un journaliste, venu l’interviewer pour une émission télévisée, dans le salon de son hôtel, lui dit trop vite : « Coluche est mort. » Renaud comprend : « Coluche, à Montréal. » Quelle joie ! Bien sûr, il est très heureux : il pourra voir un de ses meilleurs amis !
Ensuite, le journaliste le regarde, mal à l’aise : « Vous le connaissiez bien ? ». Pourquoi emploie-t-il le passé ? Ce n’est que de retour dans sa chambre qu’il apprendra la nouvelle tragique. La petite lumière rouge clignote : un message l’attend à la réception… Horreur !
« Il ne sait pas pleurer en québécois ». Il écrit donc à chaud « Putain de camion » sur une vieille musique de Franck Langolff qui trainait, là, dans un fond de tiroir. Une magnifique chanson en hommage au copain complice de ses débuts devenu l’ami intime, le parrain de sa fille Lolita.
En 1988, Renaud dédie son nouvel album Putain de camion à Marius et à Romain, les fils de Michel et Véronique Colucci :
La chanson-titre de l’album est d’ailleurs un hommage à celui qui fut le parrain de sa fille Lolita.
Renaud a écrit la chanson quelques jours après l’annonce du décès de Coluche, et il l’a ensuite jouée sur scène. Dans ce titre, il s’adresse au défunt Coluche et fait part de son ressenti face à la mort de son ami dans un accident de la route. Renaud exprime fortement le dégoût face à cet événement « Putain j’ai la rage contre ce virage et contre ce jour-là », puis face à la vie « putain de vie de merde » ou « tu nous laisses avec les chiens », et ses regrets quant à la disparition de son ami « Lolita n’a plus de parrain, nous on n’a plus notre meilleur copain », ou alors cette dernière « dire que c’était l’été dans ma tête il fait froid ». On peut citer enfin « enfoiré, on t’aimait bien », référence cette fois-ci au grand réseau caritatif Les Restos du cœur que Coluche a créé et représenté chaque année par les Enfoirés.
Renaud interprète sa chanson « Putain de camion » pour la première fois le 12 juillet 1986, aux Francofolies de La Rochelle :
André Manoukian est revenu sur cette première interprétation de la chanson « Putain de camion » durant l’émission « La Vie secrète des Chansons des Francofolies » diffusée sur France 3 NoA le 7 août 2019 :
Renaud a aussi interprété sa chanson « Putain de camion » avec Les Enfoirés en 1992, rendant hommage à Coluche une fois de plus dans son introduction :
Michel Colucci, dit Coluche, était un humoriste et comédien français, né le dans le 14e arrondissement de Paris. Il est mort le à Opio (Alpes-Maritimes).
Fils d’un immigré italien et d’une Française, Michel Colucci grandit à Montrouge. Il adopte le pseudonyme « Coluche » à l’âge de 26 ans, au tout début de sa carrière. Revendiquant sa grossièreté mais, selon lui, « sans jamais tomber dans la vulgarité », Coluche donne très tôt un style nouveau et sarcastique par sa liberté d’expression au music-hall, en brocardant notamment les tabous et valeurs morales et politiques de la société contemporaine. En 1975, il devient célèbre en parodiant un jeu télévisé : Le Schmilblick.
Tour à tour provocateur ou agitateur par ses prises de position sociales, il se présente à l’élection présidentielle de 1981 avant de se retirer, à la suite de pressions et de menaces. Jouissant d’une énorme popularité et très apprécié du public, il fonde en 1985 l’association Les Restos du cœur, relais d’aide aux plus pauvres, quelques mois avant de mourir dans un accident de moto :
Coluche a écrit et composé pour Renaud, le titre Soleil immonde, paru sur l’album Le Retour de Gérard Lambert sorti en 1981. Renaud cite également son ami artiste dans la chanson Mon bistrot préféré, dans la chanson Petite ainsi que dans La Vie est moche et c’est trop court.
Voici un documentaire de Jean-Louis Perez datant de 2011, « Coluche : un clown ennemi d’Etat » :
Dans sa chanson « Putain de camion», Renaud mentionne les deux fils de Michel et Véronique Colucci :
Tu nous laisses avec les chiens
Avec les méchants, les crétins
Sous un soleil qui brille moins fort et moins loin
J’voudrais m’blotir dans un coin
Avec Marius avec Romain
Pleurer avec eux jusqu’à la saint-glinglin
Marius Colucci est né le à Paris. Fils cadet de Coluche et de Véronique Kantor, il décide en 1996 de s’inscrire à des cours professionnels de théâtre. Enfant, il avait manqué à plusieurs reprises l’occasion d’avoir de petits rôles ou de faire de la figuration dans des films où son père avait un rôle. C’est bien plus tard qu’il commencera sa carrière, et par des petits rôles.
En 2006, il obtient le rôle de l’inspecteur Émile Lampion dans la mini-série Petits meurtres en famille. En 2009, il reprend son rôle en tant que l’un des deux personnages principaux de la série télévisée Les Petits Meurtres d’Agatha Christie toujours aux côtés d’Antoine Duléry en commissaire Larosière. À partir de 2015, après y avoir été invité, il devient chroniqueur régulier de l’émission de Charline Vanhoenacker sur France Inter, Si tu écoutes, j’annule tout.
Voici une courte interview avec Marius à propos de la série télévisée Les Petits Meurtres d’Agatha Christie :
Romain Colucci est né en 1972 et est le fils aîné de Coluche et de Véronique Kantor. Il a participé à L’Atelier 256, magazine artistique bimensuel de Jacques Chancel sur France 3, en qualité de d’assistant réalisation.
Après la mort de son père, il a entamé avec son frère et sa mère une longue bataille judiciaire à l’encontre de Paul Lederman, l’ancien imprésario de son père, qu’ils soupçonnent de les avoir spoliés des droits audiovisuels des sketchs de leur père et mari. La cour d’appel de Paris leur a donné raison en , condamnant le producteur à verser à la famille plus de 400 000 euros d’arriérés de redevances pour une série de 12 sketchs. Peu présent dans les médias, il déclare à l’occasion d’une interview « Je défends la mémoire de mon père et son héritage, ça me suffit ».
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Dominique Quilichini
Dominique était l’épouse de Renaud au moment du tragique accident impliquant leur ami commun, Coluche :
Tel que mentionné dans un article du magazine Gala, « Renaud: Dominique, la femme de sa vie » :
Dans son autobiographie, Comme un enfant perdu, Renaud revient sur sa relation avec la mère de sa fille Lolita.
En 1975, Renaud n’est qu’un espoir de la chanson. Son premier album, intitulé Amoureux de Paname n’est connu que de quelques initiés. On l’entend – un peu – à la radio et il se produit tous les soirs à la Pizza du Marais à Paris, devenu depuis le théâtre des Blancs Manteaux. C’est là qu’il croise à plusieurs reprises Dominique. Il raconte: « A chaque fois j’ai le cœur qui s’interrompt une seconde, de sorte que la tête me tourne et que je suis au bord de la syncope. Tellement séduisante, tellement belle, tellement bien gaulée… « Problème: Dominique est mariée avec un certain Gérard Lanvin et elle n’arrive pas à choisir: » Pendant toute une période, elle dort avec moi une nuit ou deux, puis retourne dormir avec Gérard avant de revenir vers moi. » Renaud vit très mal une situation qui lui inspire la chanson Manu et son: « Eh déconne pas Manu / Va pas t’tailler les veines / Une gonzesse de perdue / C’est dix copains qui r’viennent. »
Dominique finit par choisir, et la carrière de Renaud décolle grâce au tube Laisse béton. Leur fille Lolita est conçue à Belfort, alors que le chanteur est en tournée: » Elle me rejoint pour une seule nuit, le 19 novembre 1979 à l’hôtel Mercure, où nous faisons l’amour ô combien passionnément. Neuf mois plus tard, le 9 août 1980 naît Lolita, sous le signe du Lion. » Entre temps, Dominique a divorcé de Gérard Lanvin, avec qui Renaud a fait la paix, même s’il est toujours agacé par son double en chansons baptisé Gérard Lambert. Renaud est à la fois heureux et au sommet. Dominique et Lolita lui inspirent les succès En cloque, Morgane de toi et Mistral gagnant.
Dominique est demeurée très discrète tout au long de la carrière de Renaud. Elle a par contre accepté de participer au documentaire « Renaud, en plein cœur » écrit par Didier Varrod et diffusé sur M6 le . En voici un court (mais émouvant) extrait :
Lolita (« Lola ») est bien sûr la fille de Renaud et de sa première épouse, Dominique Quilichini. Elle est née le à Paris. Elle est écrivaine, auteure notamment de livres pour enfants et de scénarios de bandes dessinées.
Le , Lolita épousa le chanteur auteur-compositeur-interprète français Renan Luce, puis donna naissance le 3 août 2011 à une fille prénommée Héloïse. Le couple se sépara en 2016.
Renaud raconte l’anecdote suivante dans son autobiographie « Comme un enfant perdu », sortie en mai 2016 :
D’ailleurs, au moins trois fois par semaine, nous nous retrouvons tous chez Coluche pour dîner. Gérard et moi sommes devenus potes et Coluche, qui adore Dominique, surveille de près sa grossesse. Un soir, alors qu’elle entre dans le sixième mois, il la regarde un bon moment, puis il dit soudain en pointant son ventre du doigt :
« C’est une fille que tu attends, Dominique. Je suis certain que c’est une fille.
– Comment peux-tu en être sûr ? rétorque-t-elle. Tu te prends pour un devin ?
– Tu peux me croire, vous aurez une fille. Vous pouvez même commencer à chercher son prénom. »
Pour moi, ce moment est un tournant. Mon enfant, jusqu’ici, c’était un garçon, c’était le petit Pierrot de la chanson, et d’un seul coup je me mets à rêver que cet enfant soit une fille. Nom de Dieu, mais ça serait merveilleux – tout bas, dans ma tête. Pas une seconde je ne l’avais imaginé.
Alors, je commence à dire partout que je vais avoir une fille, après avoir parlé d’un garçon, et les copains sont gentils, pas contrariants : « Formidable ! Une petite fille, elle viendra sur tes genoux, tu la prendras par la main. Un garçon, ç’aurait été différent, tu en aurais fait un petit loubard à ton image, un petit cow-boy, tandis qu’une fille, ce ne sera que de la douceur, de la tendresse. » Voilà, c’est bien ce que je disais, depuis que le ventre de Dominique s’arrondit, nous avons la grâce, le monde entier nous aime et tout me semble magnifique et lumineux.
Coluche ne se trompait pas, et c’est encore lui qui débarquera un soir à la maison, après la naissance de Lolita dont il était le parrain, pour nous faire cette demande que je refuserai :
« Si Dominique et toi vous disparaissiez, je veux être le tuteur de Lolita. Pas seulement son parrain, mais officiellement son tuteur, celui qui l’aimera et l’élèvera. Alors j’ai préparé un papier et je voudrais que vous acceptiez tous les deux de le signer. »
Un moment, nous en resterons sans voix. Comment signer un engagement sur l’éventualité de notre mort ? Sur la possibilité que Lolita se retrouve un jour orpheline ? Même venant d’un parrain aussi plein d’amour et de gentillesse, cela m’a semblé comme un défi lancé à la fragilité de la vie, à la mort que l’on sait rôder sans cesse, et je me suis entendu dire non.
« Non, Coluche, je comprends et ça me touche. Mais je ne signerai aucun papier de ce genre. »
Voici une adorable photo de Lolita (bébé) avec son parrain, Coluche, qu’elle a malheureusement perdu le jour de son accident de moto :
Plus récemment, Lolita faisait le lancement de sa première exposition, « Nous n’irons pas à Saint-Gratien », présentée du 15 novembre 2019 au 18 janvier 2020 au Centre culturel du Forum, Place François Truffaut, à Saint-Gratien. Tel que rapporté par le Journal de François, Lolita présenta son exposition comme suit :
« Saint Gratien est la ville où ma mère a grandi jusqu’à ses 19 ans où elle se marie et part. J’ai tenté de glaner quelques-uns de ses souvenirs afin de retracer ces lignes d’enfance, cette architecture balayée par les années.
Reconstruire Saint Gratien sur les souvenirs de ma mère, en retrouver son contour, camouflé aujourd’hui sous un nouvel urbanisme. Reconstruire l’enfance de ma mère, laissée, inaccessible, à cette ville de banlieue et aux années 60. Double reconstruction utopique pour lutter contre l’effacement. »
Voici quelques clichés de cette exposition, suivis d’une courte vidéo :