Le 3 février 2011
Par Christelle Crosnier
Le chanteur règle ses comptes dans TV Magazine
A l’heure où certains médias extrapolent sur sa vie privée – échec de son couple, restrictions draconiennes sur l’alcool et la cigarette, environnement défavorable, déprime profonde… – Renaud s’accorde un droit de réponse, tout en commentant l’actualité par la lucarne télé. Et, quand le chanteur populaire fait une mise au point, c’est net et précis. Entretien vérité.
Renaud, après le buzz suscité par votre dernière interview, vos fans, inquiets, avaient prévu de débarquer en bus en bas de chez vous. Quelle a été votre réaction ? |
Je leur ai fait savoir que cette sérénade sous ma fenêtre était une très mauvaise idée pour ma famille comme pour mes voisins. Je leur ai dit : « Si vous voulez me voir, rejoignez-moi plutôt à Paris à tel endroit ». Ils sont venus et j’ai passé deux heures formidables à discuter avec eux…
Il paraît que votre vie est un enfer, que votre maison est un mouroir… Est-ce la vérité ?
C’est du grand n’importe quoi ! Ma maison est chaleureuse, pleine de couleurs et suffisamment grande pour abriter toutes mes collections, des BD aux montres en passant par les guitares. Dès que nous l’avons vue, avec ma femme, nous en sommes tombés amoureux. Maintenant, si j’ai pu dire que je m’emmerdais à Meudon, ce n’est pas la faute de Romane, ni celle de la ville, ni de la maison ou même de ma rue, qu’on a prétendue être sinistre, mais tout simplement de la mienne !
Vraiment ? C’est de votre faute ?
Parce que j’ai des problèmes profonds et un douloureux manque d’inspiration. Je n’arrive pas à écrire, point final. Alors, j’ai l’impression de ne plus exister sauf pour les copains au bistrot… Quand je croise les gens et qu’ils me disent : « À quand votre prochain disque ? Vous remontez quand sur scène ? », je ne sais pas quoi leur répondre. Je suis perdu…
Est-il vrai que vous êtes en pleine rupture avec votre femme ?
Le bonheur entre Romane et moi existe depuis dix ans, n’en déplaise à la presse people. « Rien ne va plus entre Romane et Renaud… » Ils m’ont fait trois fois ce coup-là depuis deux ans alors que nous vivons ensemble, heureux et mariés avec un enfant de 4 ans et demi ! Romane est une épouse formidable et une mère exceptionnelle. Alors, une bonne fois pour toutes, tout va très bien entre Romane et Renaud, même s’il y a des petites engueulades de temps en temps comme dans tous les couples… |
Est-il vrai que Romane Serda vous impose des règles très strictes chez vous, notamment sur la cigarette ?
C’est ridicule ! Ma femme ne m’a jamais empêché de fumer à la maison. C’est moi-même qui me le suis interdit par rapport à mon fils, Malone. Je ne veux pas lui imposer cela. Alors, je fume sur la terrasse ou isolé dans mon bureau, au dernier étage.
« Je ne suis pas un bon père »
Et, côté alcool, même vos invités de marque, comme Johnny Clegg, n’ont pas le droit à un petit verre ?
D’abord Johnny Clegg n’est jamais venu dîner chez moi ! Ensuite nous avons une cave remplie pour les invités quels qu’ils soient et il m’arrive de boire avec eux de temps en temps un petit verre de blanc. En revanche, je m’interdis les alcools forts parce que j’ai connu l’addiction et je ne veux plus retomber dedans. Après, qu’est-ce qu’un mec qui boit ? Un type qui prend trois verres de vin à table ou celui qui descend 1 litre de whisky par jour, comme le faisaient Serge Gainsbourg, Philippe Léotard ou Étienne Roda-Gil ?
Vous vous situez dans quelle catégorie ?
Entre les deux. J’ai bu toute ma vie, comme la plupart des stars…
Pourquoi ?
On tombe dans la presse people, là…
C’est juste pour vous comprendre…
Je bois parce que je ne suis pas bien dans ma peau, dans ma couenne. J’ai des psychoses, des angoisses, un mal de vivre, une nostalgie de mon enfance. Et cela empire avec tous ces amis qui meurent autour de moi. Cela me déprime, je suis tout seul dans mon bistrot. Alors, plutôt que de ruminer mes pensées, eh bien je bois un petit verre et ça va un peu mieux…
Quelles sont vos angoisses ?
J’ai constamment le sentiment d’être persécuté, suivi, écouté, espionné sur mon mail comme sur mon portable par des gens qui me veulent du mal. J’ai des paranoïas très précises… J’ai peur de mourir aussi. Je ne sais pas d’où ça vient, c’est une maladie.
Et, avec votre fils, comment ça se passe ?
Malone est très proche de sa maman, mais assez éloigné de moi, à mon grand désespoir. En fait, je ne sais pas comment m’y prendre avec lui. Je ne suis pas un bon père.
Que partagez-vous ?
Je lui apprends à faire des volcans dans sa purée, mais je ne sais pas ce que cela lui amène… J’essaie de lui prouver mon amour, de lui faire des câlins, d’être tendre avec lui.
Vous aviez toujours voulu un garçon…
Oui, je l’espérais. Un petit Pierrot qui soit un peu mon prolongement. J’ai d’abord eu ma fille, Lolita, et je ne l’ai pas regretté ! Puis Malone est arrivé, à ma plus grande joie. Je voudrais qu’il soit musicien, acteur, pianiste, qu’il apprenne la musique autrement que comme on me l’a enseignée. J’ai fait du solfège avec une vieille, Mme Delombard, et j’ai tout arrêté au bout de six mois. Je pense qu’il aimera la musique. Il en écoute beaucoup à la maison.
Même lui ne vous inspire pas en ce moment ?
Il n’a rien à voir là-dedans. C’est mon problème si je n’ai pas d’idées. Je suis lessivé, je m’étiole. Ce putain d’ennui m’empêche d’écrire et le manque d’inspiration me fait flipper, car j’ai l’impression de ne plus exister socialement comme artiste. En plus, chaque fois que j’entends parler de moi dans la presse, c’est en mal. Vous reproduisez un peu le schéma de votre père : un écrivain en mal d’inspiration… En effet, il a vécu un peu le même phénomène que moi. Il a été connu, a remporté différents prix littéraires, puis, après ses six enfants, il n’a plus rien écrit à part des bouquins pour mômes. Lui qui rêvait de romans policiers… |
« Les Enfoirés ressemblent à un grand cirque carnavalesque »
Que faites-vous de vos journées ?
Jusqu’à 50 ans, on a du génie et après ce n’est que du travail, et le travail je n’y arrive pas ! Je me lève le matin, ma femme est partie emmener Malone à l’école. Je traîne à la maison. Qu’est-ce que je fais ? J’allume la télé et je regarde les infos…
Quoi d’autre ?
BFM TV, Des chiffres et des lettres, Questions pour un champion…
Vous suivez les émissions politiques ?
Je regarde souvent C dans l’air et aussi des débats sur BFM TV ou sur I-télé. Je suis désespéré, désabusé par l’attitude de la droite comme celle de la gauche ! Je culpabilise de vivre aussi heureux dans ce monde de malheur, de désespoir, de violence, de terrorisme, de banditisme… Et encore plus quand je lis dans des journaux que je me serais soi-disant plaint d’habiter une jolie banlieue tranquille et peinarde…
Et les Enfoirés, qu’en pensez-vous ?
Politiquement c’est une hérésie, une honte que cela existe encore vingt ans après ! L’État aurait dû prendre en charge les déshérités. Aujourd’hui, l’émission ressemble à un grand cirque carnavalesque ! Tout le show-biz participe aux « Enfoirés », les comédiens, les top-modèles, les joueurs de foot. Moi, ça ne m’intéresse plus… On me propose à chaque fois des duos improbables. Je n’ai pas envie de chanter avec Mimie Mathy, Christophe Maé ou Patrick Timsit, ni de me déguiser en clown pour interpréter La Mamma d’Aznavour !
Et, maintenant, qu’allez-vous faire ?
Je vais essayer d’écrire. J’ai commencé deux chansons. Une sur les amis que j’aime et qui partent : Tous ceux qui tombent. L’autre est un projet de collaboration avec Marc Lavoine, qui m’a donné une très belle idée : Chagrin d’amis. Parce que, dans la vie, on a plus souvent des chagrins d’amis que des chagrins d’amour finalement. Je promets aussi que, si je n’arrive pas à faire un nouveau disque, je partirai sur les routes pendant deux ans faire une tournée acoustique pour mon extraordinaire public de fans.
Que peut-on vous souhaiter ?
Que mon fils me serre un peu plus dans ses bras, que mon couple dure l’éternité, que la presse people arrête de m’emmerder, que je diminue un peu le pastis parce qu’il m’arrive d’abuser et que j’arrête de fumer.
Diriez-vous, comme dans Mistral gagnant, « qu’il faut aimer la vie même si le temps est assassin et emporte avec lui les rires des enfants » ?
Mais je l’aime, la vie ! Oh, mon Dieu, que je l’aime ! Si vous saviez à quel point je l’aime au fond…
Propos recueillis par Christelle Crosnier
Photos : Mousse-Camus/ABACAPRESS, PIRARD/ISOPIX/SIPA et Richard Dumas/EMI Music France
A découvrir
Renaud, Les Vinyles. L’Intégrale studio 1975-2010 (21 vinyles, coffret limité à 3 000 exemplaires et numéroté) et Le Plein de super (best of 3 CD).
Source : Le HLM des Fans de Renaud