La chetron sauvage en reprise

Télé-Presse

Semaine du 14 au 21 mai 1988


Renaud au Zénith
Il chante, mais il préfère parler…
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MERCREDI

19h00 RENAUD AU ZÉNITH
Spectacle du chanteur français Renaud, enregistré au Zénith à Paris. (1h.)

La chetron sauvage en reprise

Il y a d’abord le « look »: les cheveux longs et décolores, une barbe hirsute et une épaisse moustache, un
foulard rouge noue autour du cou, les jambes arquées et moulées dans un jeans de cuir des plus serrés.


SUZANNE COLPRON


Puis le langage: des mots simples et directs, truffés d’images et d’expressions empruntées à l’argot et au verlan. Des textes méchants et acides, drôles et burlesques, poétiques et tendres.

Des chansons comme Miss Maggie, Trois matelots, P’tite conne, Dans mon H.L.M., C’est mon dernier bal, Baston!, Mort des enfantsMistral gagnant.

Des chansons teintées d’une conscience sociale et politique, présentées notamment lors d’un spectacle dans la
capitale française, en 1986, intitulé: Renaud au Zénith, la chetron sauvage (lisez: la tronche sauvage).

D’une durée de 60 minutes, ce spectacle prendra l’affiche à la télévision de Radio-Canada, le mercredi 18 mai à
19 h. La version originale, qui comptait 20 minutes de plus, avait été diffusée le 24 mai dernier à… la même télévision.

Il s’agit donc d’une reprise. Ou d’une deuxième chance de voir Renaud dans son salon.

Mille et une flammes bic

Le spectacle a été enregistré à Paris devant un auditoire monstre, illuminé de mille et une flammes « bic ». Il s’ouvre avec la chanson Trois matelots.

L’ange blond (ou le loup… ) apparaît à l’arrière de la scène, sur le pont d’un cargo qui fait office de décor. Deux immenses cheminées brillent sous une multitude de faisceaux lumineux.

Tantôt clair comme le jour, tantôt sombre comme la nuit, la scène change au gré des éclairages. Elle se déroule sur le quai d’un port animé. Une coquette maison, qui tient debout par miracle, est plantée au milieu des caisses de bois et des tonneaux.

Les musiciens sont habillés comme des matelots, bardés de cuir. Les uns sont cachés dans des barils de vin, les
autres assis sur des malles, derrière leurs instruments.

Un accordéoniste, un batteur, un saxophoniste — qui joue aussi de la flûte traversière — deux claviéristes, un bassiste, deux guitaristes et trois choristes composent l’ensemble.

Petit prince séducteur

Renaud entre en scène, une lampe à pétrole à la main. Il entonne la chanson avec son air de petit prince séducteur… On le dirait plus à l’aise dans son personnage que lors de son premier passage à Montréal, en 1984, sur la scène du Spectrum. Il est aussi plus audacieux.

À peine a-t-il achevé la première chanson, qu’il s’amène sur le devant de la scène. D’un geste vif, il enlève sa veste et la jette au loin, découvrant ainsi ses frêles épaules tatouées.

« Attendez, vous n’avez encore rien vu », lance-t-il d’un air à la fois timide et amusé, avant d’annoncer le titre de sa prochaine chanson: Deuxième génération.

Ce sera là une de ses rares interventions au micro. Renaud parle peu durant ses spectacles, il est vrai. Mais on aura peut-être décidé de couper dans les textes de présentation, au montage, pour limiter la durée de l’émission à une heure.

Quoi qu’il en soit, le chanteur s’impose de plus en plus comme comédien. Il exploite mieux son personnage de loubard, tout en conservant son air ingénu et son regard innocent.

Il a déjà confié à un journaliste, lors d’une entrevue: « Au départ, je voulais être comédien, et c’est le public qui a voulu que je sois chanteur. Moi je préfère parler aux gens que leur chanter. »

Avec son spectacle au Zénith, il se rapproche de plus en plus de son but.

PS: Renaud vient de sortir un nouvel album. Après Mistral Gagnant, voilà Putain de camion.


  

Source : Télé-Presse