Le chanteur Renaud s’inquiète de l’avenir du français

La Presse

MONTRÉAL, VENDREDI 13 JANVIER 1989

Arts et spectacles

À la veille d’accomplir une tournée au Québec, il se dit un «farouche défenseur de l’esprit de la Loi 101»

Presse canadienne

▀ Le chanteur français Renaud, à l’aube d’une tournée de 17 spectacles dans 11 villes du Québec ainsi qu’à Ottawa, s’est dit inquiet pour l’avenir de la langue française dans le monde, et principalement au Québec, en conférence de presse hier à Montréal.

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Le chanteur français Renaud passe pour être de toutes les causes.

«Si vous ne demeurez pas vigilants, beaucoup se chargeront de faire diminuer l’influence de la langue française, jusqu’à l’éliminer totalement», a déclaré Renaud, le cheveu long et blond, a l’occasion d’une rare apparition devant les membres de la presse. Un peu malgré lui.

«On ne m’a laissé le choix», a-t-il lancé, expliquant que la conférence était la première de sa vie.

Gêné et visiblement intimidé par la meute de journalistes réunie dans une salle bondée d’un hôtel du centre ville montréalais, le chanteur s’est quand même prêté de bonne grâce au jeu. Il devait même, a-t-il semblé, finalement y prendre plaisir.

«Je n’ai pas réponse à tout», a-t-il toutefois prévenu son auditoire. Ce qui ne l’a pas empêché de se prononcer, sans prétention, sur tout et sur rien. La musique, ses contradictions et, bien sûr, la question linguistique.

«En France, nous sommes aussi victimes de l’impérialisme linguistique, culturel, économique américain ; mais ça ne crée pas un débat national, a-t-il déclaré. Notre langue n’est pas en danger autant qu’ici».

Du coup, il se dit moins préoccupé par la question de la langue que par le danger croissant de la pollution, faisant même référence au «mini Tchernobyl» survenu à Saint-Basile-le-Grand l’automne dernier.

«Ça me semble plus fondamental pour la défense de l’homme», a-t-il expliqué, répétant néanmoins qu’il demeure «un farouche défenseur de l’esprit de la Loi 101», tout en n’étant «pas insensible à la minorité anglo-québécoise».

Loi 101. pollution, apartheid (la chanson «Jonathan» sur son dernier disque, «Putain de camion»), Renaud, enfant de mai 1968, est de toutes les causes.

Pourtant, ses dénigreurs estiment son implication sociale moins importante qu’auparavant. À ceux-ci. le chanteur répond: «Ils s’impliquent beaucoup, eux?».

Il admet quand même qu’il a «envie de gueuler moins fort» qu’autrefois, «J’ai 15 ans de plus et je suis parfois désabusé. Je n’ai plus envie de crier dans le désert, j’ai parfois l’impression que ça ne sert à rien».

Musique

De musique, il parlera également, longuement. «Je suis auteur parce que c’est pour moi un réel plaisir d’écrire des idées, des émotions, des sentiments, des états d’âme».

«Je suis compositeur par besoin, car pour faire passer ces mots et ces écritures, je me sers d’un véhicule qui est la musique».

Enfin, «je suis interprète par provocation, car j’aime bien provoquer les gens, leurs émotions ou leur révolte». «Ceux que j’aime, et surtout les autres», précisera-t-il par la suite.

De son succès au Québec, celui qui se proclame «chanteur franco-québécois chiant, énervant et impertinent» se dit étonné. «On m’avait prédit un échec total».

Renaud, accompagné de ses huit musiciens, aura à nouveau l’occasion de tester sa «cote» à Amos (le 14 janvier). Val d’Or (le 16), Rouyn (le 17), Québec (les 19 et 20), Chicoutimi (le 22), Montréal (du 24 au 28), et Ottawa (le 31). La tournée se poursuivra en février à Sherbrooke (le 1er), Trois-Rivières (le 2), Follette (le 3), Valleyfield (le 4), et enfin Laval (le 4).

  

Source : La Presse