Février 1986
Flash
CONVERSATION ciblée avec une branchée, pardon une chetron, de quinze ans.
– Tu as vu les affiches pour le passage de Renaud au Zénith ?
– Ben oui !
– Et ça veut dire quoi La chetron sauvage ?
Soupir désolé :
– C’est la tronche sauvage ! T’as vu sa tête à Renaud… Et puis il y a une allusion aux chevrons sauvages, tu sais la pub pour la voiture avec les chevaux qui courent dans le désert.
Munie de ces informations, coup d’œil à la « tronche » de Renaud. Pas si sauvage que cela ! Une tête de jeune homme sage, qui ne fait pas ses trente-trois ans, et qui n’a pas non plus l’air d’un ange. Il n’a pas tellement changé depuis qu’il chante Casses-toi, t’es pas de mon monde, ni même depuis qu’il est le père de Lolita, événement attendu qui lui avait donné l’idée de ce récit, en musique, de la grossesse de sa femme – « depuis qu’elle est en cloque, elle a de drôles d’idées etc. » Non, le changement, s’il existe chez Renaud, est plus subtil.
Tandis qu’il répétait son spectacle dans un studio de la banlieue parisienne, son dernier album, Mistral gagnant, s’envolait au hit-parade des disquaires. Ce titre mystère, c’est une histoire de bonbon. Renaud n’est sûrement pas le seul qui, enfant, achetait chez la boulangère du coin les « Mistral », ces bonbons qui contenaient de la poudre vanillée ou de la réglisse. Ils avaient aussi un numéro, et il arrivait que l’on gagne un second ou un troisième Mistral, selon la chance.
De la chance, Renaud, lui, en a toujours eu, c’est la raison pour laquelle il célèbre le fameux bonbon : débuts sans peine – papa et maman sont enseignant et psychologue – Renaud est doué d’un vrai talent d’écriture, qu’il transforme en astuce pour suivre la mode ou la devancer, qui sait ?… Toujours est-il qu’il a su offrir une image que des milliers d’adolescents se sont empressés d’adopter.
Aujourd’hui, il est nettement plus sérieux : son style associe un brin de nostalgie à un brin d’engagement (témoin : une chanson rageuse contre Margaret Thatcher intitulée Miss Maggie), des apparitions à tous les concerts pour l’Éthiopie ou S.O.S. Racisme…
Mais il conserve ce ton de franche ironie, sa gouaille de faux gamin de Paris, et son allure parfaitement branchée. Avec tout cela, un air de détachement parfais. Difficile à cerner, Renaud, qui est de ces chanteurs qui vous disent : « Franchement, pas besoin de m’interviewer, ce que j’ai à dire d’important vous le trouvez dans mes chansons. Achetez le disque ! » Astucieux comme méthode !
Source : Nous Deux