Renaud reprend du service

Salut !

N° 206, du 17 au 30 août 1983

Renaud est de retour pour sa tournée d’été. Daniel Moyne et Bernard Leloup l’ont suivi pendant quelques jours.

Ça faisait un bail que le pote Renaud avait déserté la capitale. Depuis plusieurs mois, il voguait sur les mers en famille et, dès son retour à Paris, il bouclait ses valises destination Los Angeles pour enregistrer son nouvel album. A peine était-il débarqué à Paris que Renaud avait juste le temps de changer de santiags pour reprendre la route pour sa première vraie grande tournée d’été.

Il fait chaud, c’est l’enfer sur les routes. Ce n’est pas qu’il y ait beaucoup de vacanciers mis à part les Allemands et les Hollandais, mais, tout de même, c’est pas le pied de rouler en cette saison. La caravane de la tournée Renaud se traîne au soleil et pourtant ça marche pour eux et je peux vous assurer que ce n’est pas le cas pour tout le monde. Lyon fut notre lieu de rencontre. Visiblement en super forme, Renaud a l’air heureux de nos retrouvailles.

Renaud s’avoue satisfait de cette première vraie grande tournée d’été, même si la chaleur la rend fatigante. Toutes les nuits, lui et son équipe roulent dans ce superbe car. Mais impossible de dormir. Alors on boit de la bière et on fume cigarette sur cigarette en attendant la prochaine étape… et la répétition en plein soleil.

Un drink bien glacé à l’hôtel et nous partons dans un délire de bla bla bla.

– Alors, lâcheur, on disparait sans laisser d’adresse ?

– Tu sais, depuis que j’ai découvert le bateau, je ne peux plus m’en passer. C’est ma nouvelle maison, ma résidence principale. J’aimerais y vivre le plus possible mais il y a le travail, la promotion, les enregistrements et à ces époques-là il faut être à Paris. Autrement, j’espère bien voyager au moins six mois par an. Le bateau, c’est la liberté. Je rencontre des gens sympas avec qui je parle plus de navigation que de musique et puis ma môme et Dominique s’éclatent tellement qu’on n’hésite pas un instant. L’appartement de Paris, c’est mon pied-à-terre. Sur le bateau, je compose, j’écris mes textes. J’ai d’ailleurs fait une chanson de marins, une sorte d’hommage à Hughes Aufray qui a chanté « Santiano ». Je me suis baladé sur les mers d’août 82 à avril 83 avec de nombreux aller-retour à Paris. Je suis passé à travers de terribles tempêtes au Portugal mais c’est vraiment super, je t’assure.

– De retour à Paris, tu as disparu à Los Angeles. Pourquoi ?

– Ah ça, c’est autre chose. J’étais là-bas pour enregistrer mon nouvel album. J’y suis resté cinq semaines. Je voulais savoir ce qui se passait là-bas, on me parlait souvent des studios de Los Angeles, alors j’ai voulu faire la comparaison. Eh bien, je t’avoue, j’ai pris une grande claque. Les musiciens sont excellents, d’accord, mais je pense que les gens sont aussi davantage stimulés. Le studio où j’ai enregistré « Rainbow Records » est celui où enregistrent Supertramp, Bob Seghers. Pour parler de cet album, je pourrais dire qu’il est peut-être un peu moins « clé à molette » que le précédent mais autrement il est dans la lignée des autres : même langage un peu vachard par moments, il y en a qui en prennent plein la gueule, car je suis toujours et plus que jamais contre l’armée, le nucléaire. Je m’occupe davantage du sort de l’humanité. Il y a également une chanson sur ma môme « Morgane de toi » et une pour ma femme qui s’intitule « En cloque ». Pour moi, le fait d’enregistrer aux Etats-Unis a été une expérience et c’est vraiment mieux techniquement. J’ai beaucoup plus participé car j’étais constamment en studio. Les techniciens s’étonnaient un peu de notre langage et ils m’ont demandé de traduire certains passages d’argot. Je n’étais pas allé à Los Angeles seul mais avec ma femme et ma fille. Je voulais faire découvrir Disneyland à Lolita qui a été émerveillée. Il y avait aussi des copains, notamment ceux qui me font mes arrangements. Franck Langolf et mon frère. Cet album sortira en principe fin septembre.

Moments de détente et rêves de mers lointaines. Depuis qu’il a découvert le bateau, Renaud ne peut plus s’en passer. C’est sa nouvelle maison et il aimerait pouvoir y vivre au moins dix mois par an. Dès cette tournée terminée, il passera un mois et demi en Grèce sur son voilier. Ensuite, il reviendra à Paris pour préparer son spectacle.

– Parle-moi en peu de cette tournée et de tes projets ?

– C’est ma première vraie tournée d’été. C’est assez dur du fait de cette chaleur. Les kilomètres nous paraissent longs, on roule tous en car ce qui fait des nuits blanches. Il fait chaud alors on boit un maximum de bière, on fume cigarette sur cigarette.

Les répétitions sont fatigantes car c’est souvent en plein soleil. Il fait 40 à 45 degrés sur les planches et je peux te dire que c’est un peu dur. Mais ne crois pas, je suis vachement content de faire cette tournée, c’est différent de l’hiver, il y a un peu moins de monde, mais dans l’ensemble, je suis satisfait car je fais toujours beaucoup de monde. 

Renaud peut être rassuré, ça marche toujours pour lui. Et son absence de quelques mois ne l’a pas fait oublier de son public. La preuve, son meilleur score à Nyon, en Suisse : 18 000 personnes. « Je n’ai jamais eu autant le trac, avoue-t-il, c’était dingue de voir cette foule entassée. Un accueil fantastique ».

A Nyons, en Suisse, j’ai fait 18 000 personnes. Je n’ai jamais eu autant le trac, c’était dingue de voir cette foule entassée. Un accueil fantastique. Ce soir, à Lyon, on verra bien. Après la tournée, un mois et demi de grande bulle en Grèce sur mon bateau, puis la promotion de mon album et une scène parisienne, la nouvelle salle de la Villette qui a une capacité de 3 600 places. J’y serai en janvier pour trois semaines. Un difficile pari mais je suis confiant. Après, inutile de te dire que je prends la mer pour plusieurs mois et que je m’en fais naviguer à l’autre bout du monde. J’en profiterai pour composer de nouvelles chansons et pour m’écrire un scénario de film, un projet qui me tient vraiment à cœur. Mais je pense qu’on me reverra d’ici là. Vous êtes toujours les bienvenus avec Bernard Leloup. »

 

Le soir à Lyon, plus de 4 000 personnes faisaient un triomphe à Renaud, un triomphe bien mérité et qui nous faisait également très plaisir.

Daniel Moyne

  

Source : Salut !