Renaud, salut bobo

L’Hebdo

N° 39, semaine du 28 septembre 2006

DISQUE

Le dernier album du chanteur français est raté. On aurait pourtant aimé l’aimer.

Par Isabelle Falconner.

Cher Renaud,

Dans ton disque, ce qu’il y a de mieux, ce sont les dessins de toi en rouge et noir avec ton air buté et perdu, signés Patrice Killoffer. Ce qui n’est pas une bonne nouvelle pour le disque. Quand on a été un héros pour toute une génération, le grand frère de tous les petits bandanas rouges de la planète Terre, c’est difficile de le rester. Je sais. Mais maintenant que tu es le héros de ta blonde Romane, tu t’en contentes, et c’est énervant. Ce n’est pas parce qu’elle a du rattrapage à faire, question de génération, que tu dois recommencer de zéro la provoc à deux balles et les bourgeois, c’est comme des cochons.

Tu n’es même plus drôle à force de ressasser les clichés sur les bobos ou les fachos qu’on devient forcément si on «préfère la CIA au KGB». Tu sais quoi ? Personne ne se pose la question, ni le matin ni le soir. Tu as l’air malin à faire la promo de ton disque avec Vincent Delerm, que tu conchies, et un air faussement complice, sur le site de ta maison de disques.

Avant, tu savais ne pas pactiser ni avec l’ennemi par toi désigné, ni avec le grand capital. Tu fais vieux con à ne plus aimer les blagues de blondes parce que ta nouvelle blonde est blonde, justement, et que tu poses maintenant en féministe sourcilleux. Tu es tellement amoureux que tu en deviens gnangnan et tes chansons d’amour dégoulinent d’acné – tu as oublié qu’on ne faisait pas de belles chansons avec de bons sentiments ? Les vieux, forcément «merveilleux», le paysan, forcément «ton frère» ?

Tu as «retrouvé ton flingue», dis-tu ? Ta «plume», ton «arme à poing» ? Va réclamer, ils te l’ont échangée dans ton dos, ton modèle radote. Les rappeurs sont «tous des crétins», vraiment ? Réveille-toi, le monde a tourné depuis 1984, Schwarzie ne tourne plus de films au cinéma et ton antiaméricanisme primaire tourne à l’obsession pathologique.

Arrêter de fumer, c’est difficile, on est tous d’accord, mais cela vaut-il trois minutes trente-quatre ? C’est cela, ta version de la chanson de combat ? Tu te moques de Souchon et de sa Foule sentimentale – tu as tort. Tu es aigri et parano là où il est subtil et troublant. Les gens ne sont pas que des bœufs et la foule «obéissante et fanatique», «parquée dans des Zénith / Comme dans des hangars à bestiaux» te remercie par avance de l’honneur que tu lui feras d’assister au «concours des blaireaux / Brandissant des briquets».

Faut pas se foutre de notre gueule, Renaud, nous qui t’aimions. Tu n’aimes plus que Romane, je sais, au point de lui pondre cinq chansons d’amour neuneus sur les dix-sept de ton dernier album. C’est trop. La seule chanson de bien, sur ton disque, c’est Adieu l’enfance, à ta fille de 20 ans dont «l’insouciance des 10 ans» a «disparu». Les choses parfois ont une fin, et quand tu le reconnais, c’est très beau. | Isabelle Falconnier

 

Rouge sang. De Renaud. Virgin.
Sortie le 2 octobre.

 

 

  

Sources : L’Hebdo et le HLM des Fans de Renaud