Lundi 23 janvier 1989
Arts et spectacles
par Christiane Laforge
Avec son style
CHICOUTIMI (CL) – Que d’exubérance, hier soir, à l’Auditorium Dufour de Chicoutimi, où Renaud a su, sans équivoque, enthousiasmer son jeune auditoire.
Lorsque j’ai quitté le spectacle, trois heures après son début, il chantait « Jonathan », quatrième chanson en rappel. S’il n’en avait tenu qu’au public, il y aurait passé la nuit.
Renaud est un style. On aime ou on n’aime pas. Difficile de faire un compromis avec lui.
Accompagné de cinq musiciens et de trois choristes, il établit très vite le contact avec son public. On sent, dès le commencement, que la salle lui est acquise.
On crie, on siffle, on applaudit, quoiqu’il fasse. Même ses longs préambules et ses altercations avec les choristes trouvent preneurs. On l’interpelle constamment et il s’attarde à la plupart des répliques. Opération séduction oblige. On assiste à une performance assez étonnante sur ses connaissances de l’actualité québécoise, dans les domaines du spectacle et de la politique.
Si la tentative de « Hi Ha » est tombée dans le vide, il a eu un succès lorsque ses choristes ont écarté les pans de leur veste de cuir, découvrant les chiffres noirs de leur t-shirt: 1-0-1.
Le public hurlait, et plus encore lorsque Renaud a déclaré: « …moi, ce serait en français dedans et les Anglais dehors ». Ce qui a provoqué encore plus de cris et d’applaudissements. « Eh!, lança-t-il, Eh là…vous vous rendez compte que vous applaudissez au racisme? »
Renaud parle beaucoup. En première partie c’était même excessif. Il bafouillait souvent, cherchait ses mots, paraissait chanter machinalement sans être vraiment attentif. Le rythme du spectacle était lent, lourd. Sans que cela ne déplaise aux spectateurs.
La seconde partie a été plus intéressante. Il n’était pas moins bavard, mais plus cohérant. Il a suscité un enthousiasme croissant avec « Mistral gagnant », « Dès que le vent soufflera », « Une prière pour », « Il pleut » (dont la musique est particulièrement belle), « Putain de camion » évoquant la fin tragique de Coluche, et « Morgane de toi ».
Lorsqu’il a quitté la scène, après le premier rappel, le public s’est levé, scandant son nom avec la ferme intention d’insister jusqu’à ce qu’il chante encore. Ce qu’il a fait, interprétant une des pièces les plus attendues: « Jonathan ».
Source : Le Quotidien