N° 1456, 23 au 29 avril 1988
DANS SON NOUVEAU 33 TOURS, IL CHANTE L’ACCIDENT QUI A COUTÉ LA VIE À SON « POTE » ET DANS LE « ROMAN DE RENAUD » THIERRY SÉCHAN CONSACRE UN CHAPITRE À CETTE BELLE HISTOIRE D’AMITIÉ
« Orange, un soir. Ce soir-là, le mistral soufflait sur la scène du théâtre antique. Soulevée par le vent mauvais, la voix de Renaud montait dans le ciel, tournoyait au-dessus de la cité romaine, puis se fracassait sur les gradins du théâtre impérial. Les cinq mille spectateurs ne perdaient pas grand-chose, puisqu’ils connaissaient toutes les chansons par cœur. Toutes les chansons, sauf la dernière. Lorsque Renaud se mit à la chanter, le mistral retint son souffle ».
Ainsi écrit Thierry Séchan, dans son livre « Le Roman de Renaud » qui vient de paraître aux éditions Le club des Stars-Seghers. Un livre très original. Thierry est, en effet, le frère de Renaud et celui-ci intervient au fil des chapitres et au gré de ses humeurs pour rectifier, ajouter, ironiser… Ce chapitre-là a pour titre a pour titre « Lolita n’a plus de parrain » et la chanson dont il est question, c’est « Putain de camion », qui figure sur le nouveau 33 tours de Renaud, celui-ci chante en effet :
« Lolita a plus d’parrain. Nous on a plus notre meilleur copain. T’étais un clown mais t’étais pas un pantin. Enfoiré on t’aimait bien. Maintenant on est tous orphelins. Putain d’camion, putain d’destin, tiens ça craint. »
« Coluche, écrit encore Thierry Séchan, était le parrain de Lolita. Un parrain attentif et généreux. Un parrain prévoyant, même : un jour, il vint demander à Renaud et à Dominique de lui signer un document qui ferait de lui le tuteur légal de Lolita en cas de disparition des parents… Renaud et Dominique avaient refusé poliment, mais fermement. »
Quand deux mois avant le spectacle d’Orange, le jeudi 19 juin 1986, Coluche s’est tué à moto sur une petite route des environs de Grasse, Renaud se trouvait en tournée au Québec.
« La disparition de « l’enfoiré » avait assombri son séjour chez les « cousins d’Amérique », c’était un pote, un vrai, un grand frère exigeant mais généreux. Lorsque Renaud avait commencé à chanter, Coluche était déjà célèbre – et il l’avait aidé. »
Nous avons retrouvé une photo où on les voit chantant ensemble (avec Balavoine, Michel Berger, Goldman et bien autres) la chanson pour l’Éthiopie. Comme le souligne Thierry Séchan, Renaud n’appartenait pas à la cour de Coluche. « Du reste, son épouse et lui-même avaient fort peu d’estime pour les parasites qui le détroussaient. Ils se voyaient en petit comité, en famille. Coluche et Renaud raillaient, les femmes et les enfants riaient. L’enfance, c’était un sujet qu’ils abordaient plus gravement. C’est sérieux, l’enfance, ce n’est pas comme tout le reste. » Renaud chante avec beaucoup de tendresse:
J’voudrais m’blottir dans un coin. Avec Marius avec Romain. Pleurer avec eux jusqu’à la Saint glinglin.
« Marius et Romain, écrit encore Thierry Séchan, sont les enfants de Michel et de Véronique Colucci. Romain, l’adolescent réfléchi, et Marius, le gamin de Paris insouciant et blagueur. Ce soir-là, Marius était à Orange. Renaud l’avait emmené en tournée. Tandis qu’il chantait « Putain de camion », chanson écrite en guise d’hommage et de tout commentaire, Marius et Lolita faisaient les quatre cents coups dans les coulisses. »
DEUX FRÈRES ET UN COUFFIN
Voici (à gauche) l’une des photos du « Roman de Renaud » où l’on retrouve Renaud et son frère Thierry, (l’auteur du livre). Leur mère a mis les jumeaux dans le même panier ! Ils avaient alors deux ans et demi et s’entendaient déjà très bien. |
Dans sa chanson Renaud chante : J’ai la rage contre ce virage et contre ce jour-là où tu t’es vautré. Dire qu’c’était l’été. Dans ma tête y fait froid. J’espère au moins qu’là-haut t’as acheté un vélo…
« À Orange, explique enfin Thierry Séchan, des milliers de petites flammes montaient vers les étoiles, comme un message. Les visages étaient mouillés, mais ce n’était pas de l’eau de pluie… »
Claude BARON
N’OUBLIEZ PAS LES TÉLESPECTATEURS « Je vais envoyer un petit mot à deux ou trois personnes du métier pour leur expliquer pourquoi, à mon grand regret, je ne participerai pas à leur émission. Ceux que je regretterai vraiment, c’est Drucker, c’est Gildas, Denisot, c’est les Nuls, peut-être un, deux encore, qui malheureusement trinque pour les autres », explique Renaud dans l’interview exclusive qu’il a accordé au mensuel « Paroles et musique ». Une attention qui honore le chanteur. En choisissant, en effet, de ne chanter aucune de ses nouvelles chansons à la télévision, il prend un certain risque. À moins que cette anti-promotion n’excite la curiosité et ne lui soit bénéfique ! Ce fameux petit mot, cependant, il pourrait très bien l’envoyer à tous les téléspectateurs qui apprécient ses chansons, qui ont aidé à le faire connaître et qui, à moins d’acheter le disque ou d’écouter la radio, ne connaîtront pas par exemple sa chanson-hommage à Coluche. Ils devront se contenter, pour l’instant, du clip de « Jonathan » qui devrait être diffusé en avril sur toutes les chaînes… Alain LAVILLE |
Source : Télé 7 Jours