Crève salope (articles)

Crève salope

Une chanson écrite et composée par Renaud en 1968. Crève salope est la première chanson de Renaud, écrite à l’âge de seize ans. Elle fut apparemment inspirée par un tract du même nom publié à Bordeaux en avril 1968.

Elle fut chantée a cappella dans la Sorbonne occupée mais n’a jamais été éditée en disque. Devenu un « mini hymne » de Mai 68, elle a été reprise sur les barricades. La « salope », c’est la société. Chaque couplet dénonce une forme d’autorité (paternelle, professorale, policière et religieuse). À la fin de la chanson, l’autorité de l’État met fin à cette rébellion.

Voici plusieurs articles faisant mention de cette chanson :

« En 68, j’ai écrit un poème. Quelques accords de guitare et j’avais ma première chanson. Je ne l’ai jamais enregistrée. Ça donnait : « J’lui dis crève salope. J’lui dis crève poubelle, vlan une beigne… » Quand je me suis précipité au salon pour faire écouter à mon père mon chef d’œuvre, j’en ai pris une en pleine figure. Mon père était prof d’allemand au lycée Gabriel Fauré et depuis quelques jours il était très énervé. On habitait un appartement bourgeois avenue Paul-Appell dans le 14ème arrondissement, à la Porte d’Orléans. »

« Je grattais toujours un peu de guitare. Je grattais du Hugues Aufray… En 68, j’ai écrit un poème sur les « événements » qui s’appelait « Crève, salope ! », sur lequel j’ai essayé de mettre une musique, pour voir. Et bizarrement, ça a marché. Trois accords, une mélodie… Je ne connaissais pas le solfège, mais ça a quand même donné une chanson. Je me suis dit : tiens, je vais en faire d’autres. »

Renaud ne s’est pas rebellé pour la frime ou pour la forme. Révolté, il l’est tout petit déjà. Révolté, il l’est par cette manière que tout le monde avait de les appeler « les jumeaux » et de les vêtir à l’identique, son frère David et lui. Révolté par le système scolaire, qu’il quittera prématurément en avril 1969. Révolté par ce monde qui ne tournait pas très rond hier et pas davantage aujourd’hui. Révolté, enfin, comme Hugues Aufray, son idole de jeunesse, qu’il cherche à imiter en optant pour la protest song. Comme Hugues Aufray avec « Santiano », Renaud rendra un vibrant hommage aux marins : « C’est pas l’homme qui prend la mer / C’est la mer qui prend l’homme… » (« Dès que le vent soufflera »). Mais c’est en Mai-1968 que sa révolte prend corps. A la Sorbonne, il s’affronte quotidiennement aux forces de l’ordre, écrit sa première chanson (« Crève salope ») et entre dans le Groupe Gavroche Révolutionnaire. Sur un film d’époque, un Renaud au physique d’adolescent récite à ses amis « Vive la vie », un sketch de Guy Bedos.

Certes, il serait bien évidemment absurde de considérer Renaud comme un rappeur, ne serait-ce que pour les différences de technique et de voix qui existent entre le rap et le chant. On pourrait toujours s’attarder sur l’époque à laquelle est apparue Renaud, dans les années 70, et gloser sur un éventuel modèle de spoken word, qui transparaît sur le « Peau-aime » qui ponctue son troisième album, ou dans la première chanson de Renaud, « Crève salope » (jamais enregistrée en studio et dont il n’existe du même coup que des passages radio a capella). Mais ce serait surtout se perdre en conjectures, étant entendu que Renaud n’est pas Gil Scott-Heron, et n’entretient aucun lien ni aucune référence explicite avec les Last Poets ! Et, contrairement à eux, il n’est donc pas non plus question de le considérer comme un des pères spirituels du rap, fut-il français. Néanmoins, on trouve chez une bonne partie des rappeurs français une sorte de prolongement de l’œuvre de Renaud, reprenant plus ou moins consciemment un certain nombre d’éléments clefs de la carrière de ce dernier, et c’est sur ces parallèles et similitudes que l’on s’attardera ici.

Toujours est-il que Renaud ne s’embarrasse pas de nuances lorsqu’il prend sa plume pour dénoncer à tour de bras : on pourrait même parfois penser que sa dénonciation prend des allures un peu trop automatiques, comme un réflexe d’opposition systématique, une attitude « antisociale » aux élans parfois primaires (mais tellement jouissif il est vrai !). Ainsi, dès sa première chanson, « Crève salope » , il reprend les bases d’un style qui a déjà fait ses preuves : une critique méthodique, couplet par couplet, de tout ce qui peut représenter l’autorité ou les institutions. « Crève salope » est ainsi l’occasion pour lui de régler ses comptes avec l’autorité paternelle, l’école, ou bien la police. Il n’en fallait pas plus pour que cette chanson, écrite alors qu’il est encore lycéen au milieu des barricades de mai 68, devienne un premier mini-hymne d’étudiants révoltés dans la Sorbonne occupée ! Plus de vingt ans plus tard, Renaud adoptera toujours ce même schéma de construction privilégié pour exprimer son dégoût, plus que jamais « énervé par la colère » dans la chanson « L’aquarium ». Cette fois-ci, en pleine guerre du Golfe, les cibles visées sont les militaires, les journalistes, les « gauchos » et les « preneurs de tête » de tous poils.

Entré en chanson avec «Crève salope» sur les barricades de mai 1968, Renaud affiche clairement sa rébellion contre toute forme d’autorité. Son père, «anarcho-socialiste» déclaré est aussi professeur d’allemand, écrivain et traducteur. Il a inculqué précocement à son mauvais élève de fils une méfiance envers les forces de police, les militaires et l’ordre en général. Dès 1967, quand Renaud redouble sa classe au Lycée Montaigne à Paris, il est déjà féru de la chose politique. Les événements de 1968 vont précipiter et aiguiser sa plume rebelle. Un mois durant, Renaud participe activement au mouvement insurrectionnel des étudiants et vit dans l’Université de la Sorbonne comme beaucoup d’autres. Ce contexte-là aura une influence déterminante sur les préliminaires d’un répertoire jamais vraiment rentré dans le rang depuis et bâti quarante ans durant. 

« Une chanson qui a fait le tour des lycées, qui est devenue un hymne en 68. Je l’ai chantée à la Sorbonne et au lycée Montaigne occupé. Au premier couplet, je remets en cause l’autorité du père, ensuite du prof, du flic et du curé.

Je l’ai chantée partout et tous les types qu’avaient une guitare disaient : « Ouah, super ! » le refrain était très populaire, très entraînant, très à chanter en chœur. Le premier mec avec une guitare me disait : « Ouah, écris-moi les paroles, je vais les chanter. » Et il rentrait dans son comité d’action, dans son lycée à lui. Et puis, ça a fait le tour de Paris. Il y a au moins cinq cents personnes qui l’ont écoutée, cette chanson. »

Inédite par son auteur, Crève, salope a été enregistrée en duo par Vania Adrien-Sens et Jean Édouard sur un CD à paraître (« Chansons de Mai 68 comme nous les chantions ce printemps-là »).

Renaud a grandi au milieu de valeurs humanistes de gauche, surlignées par la rigueur d’une éthique familiale protestante. À 16 ans tout juste, il est l’un des plus jeunes occupants de la Sorbonne en Mai-68, où il écrit sa première et explicite chanson, Crève salope, adressée à toutes les formes d’ordre et d’autorité dont celle de son père, pourtant attentif et aimant. Il est sans concession et aura du mal à assumer les contradictions du quotidien.

Il est question, en revanche, des époux Séchan en 1962 : ils participent, le 8 février, à la manifestation interdite contre l’OAS et la guerre d’Algérie quand, matraque en main, les forces de l’ordre pénètrent dans la bouche du métro Charonne où se sont réfugiés des manifestants. Bilan : 8 morts et plus de 200 blessés. Le soir venu, les parents, traumatisés, racontent l’épisode à leurs enfants. Pour eux l’insouciance s’arrête là. Quand Mai-68 éclate, les enfants Séchan sont sur les barricades. Renaud prend part aux réunions du Comité Gavroche, récitant des sketches qui amusent ses amis. Il écrit sa première chanson, « Crève salope », qui s’achève par une charge contre le père – qui le prend assez mal. Renaud quitte le domicile familial et entame sa carrière sous l’aile protectrice des joyeux drilles du Café de la Gare et le regard bienveillant de Coluche.

Renaud débute la musique à l’occasion de mai 1968, en composant « Crève Salope » qui ne sera jamais commercialisée. 

« Crève salope, crève charogne »

C’est la première chanson que Renaud a chantée à son père, qui l’a grondé.

Au lycée Montaigne, Renaud Séchan rejoint les rangs maoïstes, adhère au Parti communiste marxiste-léniniste en février 1968 et fréquente assidûment les amitiés franco-chinoises dans le XIVe arrondissement de Paris :

« Les premiers jours de mai 68, ces gars m’ont emmené avec leur dialectique aux portes des usines de banlieue pour apporter leur soutien aux ouvriers et parler avec eux, histoire de voir si l’on pouvait construire un socialisme à la chinoise en France. Au bout de la deuxième ou troisième fois, je me suis fait traiter de pédé par les ouvriers, vu que j’avais les cheveux jusqu’aux coudes, seize ans, mais que j’en paraissais quatorze et que j’avais vraiment l’air d’une gonzesse. Les mecs me prenaient pour un mariole et c’est sans doute ce que je devais être alors. Faut dire que les “maos” aussi, ils se faisaient insulter. Ils venaient causer de Mao Zedong à des gens qui n’en avaient rien à cirer. » (Révolution, 9 mars 1984)

Alors Renaud se lance dans la chanson, fonde le groupe Les Gavroches, chante au lycée Crève salope, « remet en cause l’autorité du père, ensuite du prof, du flic et du curé » et joue la comédie.

La rupture intervient en mai 1968. L’ado se proclame anar. Il porte les cheveux longs, ce qui lui vaut désormais de manger seul dans la cuisine, sur décision du paternel. À 16 ans, il file rejoindre les manifs du Quartier latin et revient un jour chanter son premier succès, « Crève, salope ! », à ses parents : « J’arrive chez moi fatigué, épuisé / Mon père me dit : Bonsoir fiston, comme qu’ça va ? / J’lui réponds : Ta gueule, sale con, ça t’regarde pas ! / Et j’ui ai dit : crève, salope ! » Stupeur du père qui se décompose. « C’est ignoble, rugit-il. Une chanson de petit voyou ! Tu me fais honte. » Plus tard, quand il lui annonce qu’il décide de lâcher ses études pour travailler, son père est effondré. Régulièrement, les reproches pleuvent, « bon à rien », « avenir catastrophique ». Un soir, Renaud explose : « Vous n’êtes vraiment que des cons ! » « Comment oses-tu nous insulter, petit merdeux ! » lance Olivier Séchan qui prend la guitare de son fils et la réduit en miettes.

L’adolescence de Renaud flamboie dans l’ambiance rebelle des insurrections, des explosions et des cocktails Molotov. Nous sommes en mai 68 et le futur chanteur, encore lycéen, n’hésite pas à en découdre avec les étudiants d’Assas !

Durant la nuit du 11 mai 1968, Renaud, fier et euphorique, s’écrie jusqu’à s’époumoner devant une barricade : « J’ai seize ans ! ». Il se heurte violemment aux militants d’extrême-droite de la faculté d’Assas (5ème arr.). Il participe avec ses frères, Thierry et David, aux premières émeutes du quartier latin. Très engagé, il ira jusqu’à fonder le Groupe Gavroche Révolutionnaire, mouvement dissident composé… de trois membres ! Le jeune homme va ensuite s’installer pendant trois semaines dans la Sorbonne occupée. Il y rencontre le chanteur contestataire Evariste. Alors qu’il tape à la machine un texte de ce dernier, une inspiration soudaine le traverse. Il la met immédiatement en musique, sur trois accords de guitare. Ainsi est née la première chanson officielle de Renaud : Crève salope ! Ce manifeste musical antisocial devient un hymne des étudiants gauchistes de Paris. Elle révèle surtout la plume aussi impertinente qu’humoristique du « chanteur énervant ». Sans complaisance, les paroles s’attaquent aux institutions familiales, scolaires et sociétales. « Mon père me dit : bonsoir fiston et j’lui ai dit : crève salope !… »

Alors scolarisé au lycée Montaigne (6ème arr.), Renaud se plongeait déjà dans la lecture des auteurs anarchistes. Il dévore Bakounine et Proudhon. Il élève Che Guevara au rang de demi-Dieu. Il se rend également aux manifestations en faveur de la paix au Vietnam. Son père, déjà dépassé par les idées de son rejeton aux cheveux longs, n’a que peu apprécié cette chanson ! En plus de le provoquer à titre personnel, le morceau décrit les différentes étapes qui mènent à la désocialisation et à la guillotine, encore d’usage à l’époque.

Mais de son court passage au lycée, il retiendra «la nécessité de s’engager contre l’indifférence, contre la faim, contre les guerres, contre la bombe, contre les dictatures de par le monde, pour sauver ce qui peut encore l’être». Il fêtera ses 16 ans, «le 11 mai 1968, sur une barricade de la rue Gay-Lussac». C’est ­pendant ce grand mouvement de révolte qu’il composera, paroles et musique, sa première chanson, Crève, salope!, reprise par tous les lycéens en colè­re.

À 64 ans, il ajoute donc le Christ à son Panthéon personnel, quitte à choquer une partie de ses fidèles. Plus jeune n’avait-il pas fait des flics et des curés les complices du bourgeois qu’il dénonçait régulièrement dans ses compositions anars ? Dans « Crève salope », sa première chanson antisociale, écrite en mai 68, il n’y allait pas par quatre chemins : « J’ai été condamné à être guillotiné/le jour d’mon exécution, j’ai eu droit au cur’ton/Y m’dit : Repentez-vous, mon frère, dans une dernière prière/Et j’ui ai dit : Crève salope ! Crève charogne ! Crève fumier ! »

Dans les amphithéâtres de la Sorbonne, un gamin de 16 ans nommé Renaud Séchan rencontre un franc succès avec « Crève Salope », dont les paroles fustigent l’autorité.

« Je v’nais de manifester au Quartier/J’arrive chez moi fatigué, épuisé/Mon père me dit : Bonsoir fiston comment qu’ça va ? J’lui réponds : Ta gueule sale con, ça t’regarde pas ! Et j’ui ai dit : Crève salope ! »

De « Crève salope » de Renaud, alors étudiant anonyme, à « Street Fighting Man » des Rolling Stones, en passant par « Paris mai » de Claude Nougaro, retour sur la bande son de Mai 68, qui a surtout inspiré les chanteurs bien après les événements.

Dans les amphithéâtres de la Sorbonne, un gamin de 16 ans nommé Renaud Séchan rencontre un franc succès avec « Crève Salope », dont les paroles fustigent l’autorité. « Je v’nais de manifester au Quartier/J’arrive chez moi fatigué, épuisé/Mon père me dit: Bonsoir fiston comment qu’ça va? J’lui réponds: Ta gueule sale con, ça t’regarde pas! Et j’ui ai dit: Crève salope! »

Il y a dix ans, pour le quarantième anniversaire de Mai 68, une dizaine de compilations sont revenues en chansons sur les événements qui ont paralysé la France. Dix ans plus tard, la source s’est tarie mais les airs qui ont accompagné la révolte sociale demeurent. Même si tous ces titres reflètent à vrai dire toujours moins la réalité que le fantasme de ce qu’aurait pu être la bande-son de l’érection des barricades et des défilés étudiants.

Mai 68 a en fait surtout inspiré les chanteurs après les événements: du « Street Fighting Man » des Rolling Stones, en passant par « Paris mai » de Claude Nougaro ou « Revolution » des Beatles. Davantage constats que mots d’ordres, ces chansons font écho des mois plus tard aux mouvements de révolte.

Une révolte qui, en 1968, gronde par contre dans les mots de Renaud, alors étudiant anonyme, dans un « Crève salope » qui fustige l’autorité: « Je v’nais de manifester au Quartier/ J’arrive chez moi fatigué, épuisé/ Mon père me dit : Bonsoir fiston comment qu’ça va ? J’lui réponds : Ta gueule sale con, ça t’regarde pas! Et j’ui ai dit: Crève salope! ». 

la toute première chanson de Renaud, Crève Salope qui tire sur l’autorité parentale, policière ou religieuse. Le futur chanteur vedette la chante à la Sorbonne, les lycéens parisiens adoptent le titre.

Lorsque les évènements de mai 68 éclatent, Renaud prend le parti des jeunes et des étudiants et occupe La Sorbonne avec son frère. Pendant trois semaines, il y vit et participe aux manifestations.